Où en est la conférence de Moscou ?

4/1947

Dans l'hôtel Moskowa, depuis quelques jours, le feu est retombé, car la conférence est dans sa période de stagnation. On aurait tort pourtant d'en tirer des conclusions pessimistes. Les conférences internationales semblent souvent somnoler et on prévoit que cette période stagnante durera encore huit jours.

Le général Marshall n'a-t-il pas laissé entendre que si rien ne se dessinait, il partirait avant une quinzaine. Va-t-on vers un échec ou vers une réussite au moins partielle ?

Trois hypothèses sont plausibles : on peut d'abord penser que les Russes céderont. Ce serait le coup de théâtre final, qui n'est pas exclu. Toutefois, rien ne dit qu'il ne préféreront pas attendre une nouvelle conférence avant d'entrer dans la voie des transactions.

Autre hypothèse : si les Russes se décident aux transactions, les anglais maintiendront-ils leur intransigeance ? Seul le général Marshall peut agir sur M. Bevin pour l'amener à une attitude plus souple. C'est d'ailleurs à ce dernier que revient en dernière analyse, le rôle principal.

Enfin, dernière hypothèse, la conférence échouera et on voilera son échec sous de grandes et vagues conclusions de principe. Dressons le bilan des principaux problèmes.

1°) Les Russes accepteront-ils l'unité économique avec tout ce qu'elle comporte dans l'esprit des anglo-saxons : liberté de circulation entre les zones, liberté des échanges, etc... ?

2°) Les Anglais consentiront-ils à ce que soit garanti à la France une proportion minimum de charbon ?

3°) Les Anglais et les Américains accepteront-ils le principe des réparations prélevées sur la production courante ? Ces réparations, si elles sont consenties, n'entraîneront-elles pas un écrasement excessif du potentiel allemand ?

4°) Formera-t-on immédiatement un gouvernement central allemand, comme le veulent les Anglais et les Russes ?

Au cours des discussions sur ce dernier point, n'a-t-on pas vu M. Bevin prendre notamment position contre le général Marshall et se ranger aux côtés de M. Molotov ?

Anglais et Russes veulent constituer au plus tôt un gouvernement central allemand. Les premiers se fondent sur les résultats des élections municipales de Berlin et croient pouvoir en conclure que ce gouvernement sera entre leurs mains. Pour combien de temps, aurait-on envie de leur demander ?

En ce qui concerne les Russes, leur position est moins explicable à première vue, parce que les élections ont démenti leurs espoirs. Toutefois, n'oublions pas que les Soviets possèdent une technique impeccable du noyautage syndical.

Telle est la voie dans laquelle on est engagé en ce moment. Mais la partie ne se joue pas seulement à la conférence. Il semble bien que les conversations entre Anglais et Russes soient engagées pour la mise à jour de leur alliance. Jusqu'à quel point ces négociations peuvent-elles influer sur leur double intransigeance ? Nous ne tarderons sans doute pas à le savoir.